Et le papier ?

Eh oui ! Et le papier ? Je dois à tout prix partager mes considérations sur ce thème, car il paraît que l’argument « papier » soit un des plus secrets dans le milieu…

Proca
Et le papier ? Les papiers utilisés pour le test
Les papiers utilisés dans le test: Incisioni 310g Magnani, Pescia 300g Magnani, Moulin du Coq 200g Hahnemühle (aquarelle), Vieil Hollande 250g JoopStoop, BFK Rives 250g, Simili Japon 130g JoopStoop

Que est-ce que c’est le papier

Et le papier fut!

Pas vraiment, il y a eu un peu de tout avant, cire, argile, feuilles et finalement les papyrus.

Inventé en Chine, le papier comme on le connait, prend le nom du mot latin papyrus qui vient du grec ancien πάπυρος (papyros) qui signifie papyrus, nom de la plante connue sous le nom français de papyrus… qui servait au Égyptiens à fabriquer les feuille d’écriture que nous connaissons sous le nom de papyrus (avez vous remarqué ? Asie, Europe, Afrique).

Tout ça pour vous dire que, si actuellement nous avons la possibilité de choisir entre une infinité de types papiers, c’est parce que l’homme il y a travaillé dessus depuis des millénaires et partout dans la Planète.

Mais j’arrête là les divagations historiques

Concentrons nous sur la connaissance de la blanche feuille, car cela peut nous aider dans nos choix.

Le papier moderne, comme j’ai déjà dit, fut inventé par les Chinois, il est constitué de pâte à papier d’origine végétale neuve, ou recyclé, cette pâte est constituée principalement de cellulose dérivée d’arbres ou du recyclage, mais dans la composition peuvent y rentrer le coton, issu des chiffons, des colles, des gélatines, des colorants et des minéraux, ces dernier constituant le « couchage » pour certains papiers.

La fabrication en deux mots

Le papier « à la cuve »

La pâte dissoute dans l’eau est contenue dans une grande vasque, ensuite elle est ramassée avec des tamis rectangulaires « plats », l’eau passe à travers les mailles laissant les fibres former la feuille qui est ensuite démoulée et séchée. Cette première technique traditionnelle de fabrication reste à nos jours une rare activité artisanale, ou semi-industrielle, réservée à la production de papier aquarelle, ou « fantaisie » (incluant des fleurs ou d’autres éléments décoratifs) pour une utilisation ludique, certains papiers de ce type se prêtent à l’impression en taille douce et au gaufrage.

Papier en « forme plate » et en « forme ronde »

À la fin du XVIIIe siècle naissent les premières machines « en continu » qui permettent la réalisation du papier avec une longueur pratiquement illimitée. Deux types de fonctionnement sont apparus presque au même temps, la « forme plate » et la « forme ronde ».

Le premier système distribue la pâte de papier sur un tapis plat qui la transporte et l’essore au même temps formant la feuille qui en suite prise en charge par une série de rouleaux qui la pressent et lui confèrent le « grain », la finition définitive, et la sèchent.

Le deuxième diffère du premier, car la pâte de papier est pêchée par un tamis cylindrique plongeant dans la cuve, la « forme ronde » collecte les fibres et au même temps son mouvement fait évacuer l’eau, la feuille, formée en continu, est en suite prise en charge par une série de rouleaux similaire au précédent système.

Toutes les feuilles, peu importe leur usage final, après un premier séchage, reçoivent une finition superficielle (satinée, lisse ou plus ou moins rugueuse) avec le passage à travers des rouleaux chauffés qui peuvent déposer, au même temps, de la colle, de la gélatine ou un couchage minéral en surface pour terminer le processus de fabrication.

La forme plate est sans doute la technique plus répandue pour la fabrication du papier car extrêmement rapide, mais la deuxième offre des avantages qualitatif supérieurs dont le plus apprécié est que les fibres du papier sont répandues presque parfaitement en toutes les directions conférant une « main » similaire dans touts les sens, donc ce type de fabrication est toutefois conservé pour fabriquer les meilleures feuilles destinées aux techniques artistiques traditionnelles (aquarelle, impression en taille-douce, dessin, pastel…).

Et le papier ? Ancienne machine pour la fabrication du papier en "forme ronde"
Couze-et-Saint-Front (Dordogne), Moulin Rouzique – ancienne machine forme ronde

Le poids, la main et les composants

Il est important de connaitre, au moins à grandes lignes, en quoi consiste la feuille de papier pour pouvoir en « tirer » (calembour pour un adepte de l’estampe…) le meilleur sans en dégrader ses qualités.

Nous trouvons plusieurs indications quand on achète des feuilles pour nos œuvres, si ce n’est pas chez le négociant, c’est sur le site du fabricant que nous trouvons ce type d’information :

  • Le poids par m² nous donne indirectement l’épaisseur de la feuille, plus est haut plus c’est épais (enfin pas tout à fait, on le verra après).
  • La composition quand cela est important, par exemple, on peut trouver un papier 100% coton, ou 75% coton et 25% alfa (cellulose) et aussi le « collage » qui peut être en surface ou/et à l’intérieur.
  • La réserve alcaline… sans savoir qu’est ce que c’est, la réserve alcaline permet une plus longue conservation de votre feuille, et donc de votre ouvrage.
  • La méthode de fabrication, quand cela est important, par exemple le fait qu’elle soit produite sur « forme ronde ».
  • Le « grain » et la couleur, le grain c’est la rugosité du papier, pour exemple « torchon » c’est un papier très rugueux, « satiné » très lisse.
    À part le rouge, vert, jaune etc. Pour ce que je peux dire sur le blanc, il y a des blancs « naturels », des ivoire, des blancs plus blancs, des moins blancs… un peu comme pour la lessive, il n’y a pas mieux que l’essayer pour voir quel sera le teint qui vous conviendra le plus.
  • Le fabricant préconise aussi la destination du papier, car il sait mieux que tout le monde dans quelle situation son produit réussi le mieux, gravure, sérigraphie, linogravure etc. faite lui confiance, cela vous évitera les mauvaises surprises et les pertes du temps.
La vidéo du test complet

Ah! Oui, la « main »

En imprimerie, la « main » d’une feuille n’est rien d’autre que sa « raideur », mais pour avoir un paramètre toujours lisible et constant pour tout le monde il a fallu trouver une formule pour la définir.

Même si j’ai écrit plus haut que plus c’est lourd plus c’est épais, la vérité est que à parité d’épaisseur nous pouvons avoir des feuilles plus lourdes ou plus légères selon leur densité.

Il a été décidé, donc, de calculer simplement un rapport entre l’épaisseur et le poids au m² des feuilles, par exemple, une feuille de 200 g/m² et d’une épaisseur de 300µm (0.3 mm) donne une valeur de main de 1,5.

Donc plus la « main » est élevé moins la feuille est rigide. Un papier très épais, mais pas rigide du tout, est celui appelé « bouffant » utilisé dans le livre de poche, par exemple.

Et le papier ? La "main" du papier
Des feuilles aux mains différentes

Le choix!

Une question que je me suis posé il y a longtemps, au tout début des mes expériences en taille-douce, est celle de pouvoir éventuellement imprimer sur n’importe quelle feuille de papier avec n’importe quelle technique et avec n’importe quel encre.

Réponse : oui, mais… non, pas vraiment. Même si tous les sortes de papier se laissent imprimer, pas tous se comportent de manière optimale, soit ils se déforment irrémédiablement, soit l’encre a des comportements imprévisibles (n’adhère pas, il s’épand, tâche…) soit des changements de couleurs peuvent intervenir sur l’image imprimé ou sur la feuille et aussi la structure du papier peut en ressentir, se dégrader ou même se détruire.

Le choix d’une feuille passe d’un côté par son l’aspect extérieur, l’esthétique, qui est constitué par le grain, la couleur et la main, et en suite par son aspect technique : la composition de la pâte, le collage, et éventuellement, le couchage. Une fois déterminé, de notre part, le côté esthétique, il faudra se confier aux indications du fabricant pour obtenir, sans surprises, le résultât préconisé.

Il est important de retenir que au moment de l’impression, j’effectue des opérations mécaniques et chimiques qui conditionneront l’aspect physique futur de la feuille.

Par exemple, en taille-douce me saute à l’œil l’écrasement qui subis la feuille en correspondance de la plaque gravée. Cet écrasement se traduit automatiquement en une augmentation de la rigidité à cet endroit, mais pas seulement, les fibres sont poussées vers la périphérie de la plaque ce qui entraîne une déformation et donc un inévitable gondolement de la feuille qui devra être compensé successivement.

Dans les technique d’estampe en relief c’est l’encre qui envahit souvent la surface, parfois en plusieurs couches et avec des différentes densités, en séchant, celui-ci, peut déformer la feuille.

Et maintenant que j’ai choisi ma feuille…

Passons à la pratique

De quel côté de la feuille imprimer vos estampes

La grande partie des feuilles pour l’estampe d’art ont un bon côté et un autre qui ne l’est pas, même si l’estampe réussi apparemment sans problème des deux côtés, il est toujours préférable imprimer sur la bonne face de la feuille.

C’est très simple de reconnaître la partie conçue pour accueillir votre estampe car, les fabricants de ce type de papier, ont le soin d’apposer une filigrane.

En transparence la filigrane apparait lisible normalement quand je regarde le bon côté de la feuille, qui est celui qui doit se trouver en contact avec ma matrice.

Quand je coupe le papier, la filigrane ne sera forcement pas présente sur touts mes feuilles, donc je les marque avec un crayon mine, sur leur verso, indiquant le type et le grammage du papier.

Maintenant c’est le moment où je dois vous parler d’un argument délicat, qui interpelle et qui, parfois, fâche…

Le mouillage

Le « mouillage » du papier en Taille-Douce

Que puis-je vous dire sur cet argument épineux sans heurter la sensibilité des ceux qui, du haut de leur expérience, vont rigoler ou contester fermement ce que je vais vous écrire ici de suite? Je commence donc avec un court préambule.

Je vous le dis : le mouillage c’est facile, pas de panique, même si une feuille est (inévitablement) plus humide d’une autre, vos tirages n’en seront pas affectés, mais faites attention, une feuille trop mouillé ça se voit, une feuille pas assez mouillée, non.

Le papier conçu pour l’impression en Taille-douce n’a pas peur de l’eau, il sait nager.

Le mouillage rapide pour les épreuves

Je n’ai pas toujours à porté de main une escorte de papier de la bonne dimension prêt au tirage des mes épreuve d’état. De plus que pour une raison d’économie, j’utilise des feuilles plus petites de celle imaginées pour le tirage définitif et même de qualité et grammage différents pour en tester le résultat.

Il est donc indispensable que je puisse « moullier » à la besogne, rapidement et sans complications.

Quand la feuille est de taille « maniable », l’utilisation d’une bassine n’est non plus indispensable, je la passe sous le robinet, en la tenant par le bord je fait égoutter le surplus d’eau, je la pose sur ma table en verre couverte d’une feuille plastique le temps d’encrer ma plaque ainsi les fibres de la feuille ont le temps de s’allonger en se gorgeant d’eau.

Et le papier ? Les papiers sur le verre après leur mouillage
Les papiers sur le verre après leur mouillage

Une fois ma plaque positionnée sur le plateau de la presse, je rejoins ma feuille et avec des toiles propres je l’éponge pour réduire l’humidité, la feuille doit avoir un aspect mat, pas translucide comme à peine mouillée, et son aspect doit être uniforme même vue en transparence.

Je pose mon beau papier sur ma plaque gravée et je fais tourner ma presse, à la sortie il ne doit pas y avoir d’humidité résiduelle ni sur les langes ni sur le plateau, une feuille justement humidifiée ne laisse pas sortir une goutte d’eau sous la pression de la presse.

Préparer une édition (tirage de plusieurs copies de la même plaque)

Quand je dois préparer plusieurs feuilles pour mon tirage, je fais ce que en jargon on appelle un paquet, il s’agit de mouiller uniformément une quantité de papiers de la même taille, cette humidité doit rester constante le temps du tirage ou même de la journée quand, pour exemple, nous somme dans le cadre d’un cours où plusieurs élèves ont besoin d’effectuer des tirages.

Le mouillage alterné

Consiste à alterner une feuille mouillé à une sèche, le tout emballé dans un « polyane », les feuilles mouillées doivent (selon la tradition) rester dans l’eau une nuit, une fois rapidement égouttées on fabrique notre lasagne commençant par une sèche et terminant par une humide, on emballe et on pose une planche suffisamment large avec un poids modéré dessus.

Le jour suivant les feuilles devraient être prêtes, mais, je vous avue, je n’ai jamais essayé ce système…

Le mouillage complet

Toutes le feuilles sont mouillées, égouttées et en partie essorées pour en réduire leur humidité, avant d’être empaquetées, c’est plus long et pas tout type de feuille apprécie l’essorage, l’avantage est que pratiquement le paquet sera prêt immédiatement à l’usage.

Le mouillage à l’éponge

C’est une technique ancienne que seul quelque type de papier supporte, avec une grosse éponge mouillée on « frotte » la feuille jusqu’au moment où nous considérons le mouillage suffisant.

Le mouillage par aspersion

Dans certaines techniques, et avec certains papiers, le mouillage peut se faire avec un pulvérisateur, l’essentiel dans ce cas est d’avoir un bon appareil qu’il puisse donner un brouillard uniforme avec un débit constant, les appareils à pression préalable sont l’idéal.

Et le papier ? Pulvérisateur à pression préalable
Pulvérisateur à pression préalable

Utiliser le pulvérisateur me permet aussi de rafraichir les feuilles d’un « paquet », qui se sont un peu trop séchés, juste avant l’impression.

Une certaine maîtrise de l’appareil est toutefois nécessaire pour obtenir une humidification uniforme.

Astuce

Je termine ce chapitre sur le mouillage avec une astuce qui me vient d’Italie, où j’ai appris la gravure. Comme il est évident un haut degré d’humidité est présent sur notre papier et qui dit humidité dit aussi risque de moisissure. Même si nous mouillons nos feuilles avec de l’eau distillé, ou préalablement bouillie, des spores sont toujours présentes dans l’air et peuvent facilement contaminer notre eau ou, directement, la surface du papier, pour éviter cela une bonne pratique est d’ajouter un peu de javel dans notre eau de mouillage. Le dosage de « grand’mère » est d’une cuillère à café par litre d’eau pas plus, pour éviter le développement des moisissures, ce faible dosage n’influera pas sur la couleur du papier (qui risquerait de blanchir si on en met trop), augmentera un minimum la réserve alcaline et neutralisera l’éventuelle acidité de l’encre.

Le séchage après l’impression

Un autre argument épineux.

Je vous donne ma version des faits, d’autres pourront s’exprimer différemment, mais à la fin c’est le résultat qui compte : une estampe bien plate au dessin net.

Au début, mes gravures fraîchement imprimées, je les empilais une sur l’autre les plaçant sous une planche et un poids, en suite, constatant que le dos se tâchait avec l’encre de la gravure en dessous, j’ajoutait une feuille de papier soie, mais cela ne résout pas le vrai problème : ma gravure perdait de « fraîcheur », des bavures d’encre salissaient la feuille, finalement le résultat bon à la sortie de la presse était médiocre après séchage.

Dans l’impression en taille-douce (et marginalement dans la taille d’épargne) nous sommes confrontés à un simple problème, l’encre doit sécher, mais aussi la feuille, celle ci, pour les raisons indiqués plus haut, gondolera toujours un peu si on ne la met pas sous un poids. L’encre sèche plus lentement, parfois très très lentement, surtout s’il s’agit d’encre à l’huile ou fait maison.

La solution est simple, mais pas rapide, je laisse sécher mes feuilles librement et séparément, on peut les étendre mais moi je préfère les garder à plat, pour des raisons d’espace on peut superposer les marges blancs de deux estampes.

Je vérifie, en suite, la polymérisation complète de l’encre (son séchage), pour cela je conseille d’imprimer une estampe sacrificielle supplémentaire, après le séchage de la feuille je passe mon doigt sur le dessin imprimé, si mon doigt reste propre et il y a pas de trainée sur la feuille je passe à la phase successive, en cas contraire j’attend pour un ultérieur test et ainsi de suite jusqu’au séchage complet.

L’encre bien sec, il faut maintenant aplatir mes estampes qui ont inévitablement gondolée, pour cela je me munis du pulvérisateur (à pression préalable et au jet uniforme et régulier) avec lequel j’humidifie légèrement le dos de mes estampes.

Je crée une pile en lasagne intercalant les estampes avec du papier soie, qu’il soit lisse, non froissé, et mettant une planche et des poids dessus.

Pas de plastique autour des feuilles ! Le but est de le faire sécher, elle peuvent y mettre longtemps, de temps en temps vérifiez leur humidité, je n’ai pas encore essayé mais peut être un testeur d’humidité du type qu’on trouve dans les grande surface devrait vous donner une idée de l’avancement du processus.

En conclusion

Je crois d’avoir tout dit, l’argument est très vaste et je suis certain d’avoir négligé beaucoup de détails, mais soyez rassurés les procédés que j’ai partagé avec vous ici donnent des résultats certains.

Et le papier ? Tirage d'une planche en cuivre gravé à l'électrolyse par Proca
Test, effectué pour réaliser cet article, de différents papiers avec le tirage simultané sur 6 feuilles différentes
Planche en cuivre gravé à l'électrolyse Proca
Le tirage explosé, planche en cuivre gravée par électrolyse

N’hésitez pas à commenter cet article comme d’autres de mon blog. À bientôt.

7 réponses sur “Et le papier ?”

  1. etant debutant,tous vos nombreux conseils sont precieux,de plus tres bien expliqués.la presse des charteux est un bien bel outil.bien a vous.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.